Une expérience de conscientisation

 

Vivant au cours de la violence, dans la rue, au travail, par l’image et le son, à la télévision, au cinéma ou dans les journaux, et même souvent à la maison, le simple citoyen, l’homme des villes a-t-il perdu jusqu’à la connaissance de l’amour humain? Celui-ci est-il encore une expression de communication totale des êtres ou est-il devenu une pratique d’un commerce agréable ou malheureux selon les expériences de chacun?
C’est en vue de susciter la réflexion des gens du quartier, sur l’amour et la violence, qu’un groupe de jeunes et de moins jeunes du Plateau Mont-Royal a décidé de vivre collectivement une expérience de conscientisation, dimanche soir, le 24 mai à 20 hres en la salle Saint-Louis-de-France de Montréal. Théâtre d’environnement ou expérience de conscientisation, cela est bien difficile à dire quand le groupe travaille sous la direction de Maurice Demers.
En trois tableaux représentant les problèmes de l’échec conjugal, de l’indépendance des époux dans un mariage avec enfants et enfin du conflit de générations du couple de plus de 40  ans face aux jeunes, le groupe invitera le public à participer le plus possible au spectacle. La différence qui existe entre cette forme de théâtre et celle que nous connaissons, c’est justement cette participation qu’on exige de l’auditoire. Depuis quelques semaines, les enfants du quartier fabriquent des petits avions de papier qu’on distribuera gratuitement aux spectateurs, en guise de gestes de fraternité ou d’amitié.
Les trois tableaux seront entrecoupés de témoignages de personnes qui ont vécu des expériences d’amour ou de violence. C’est ainsi qu’un orphelin essaiera de décrire ce que « doit être » l’amour d’un père et d’une mère pour son enfant, qu’une carmélite parlera de sa vie d’amour avec le Christ et qu’un ex-détenu relatera ses expressions de violence face à une société qu’il considère inhumaine.
On sait que dans ce genre de spectacle, bruits, sons et lumières, se confondent ou aident tour à tour les spectateurs à exprimer ce qu’ils ressentent. Aussi des diapositives, des affiches, des chansons et même un orchestre créent à tour de rôle l’atmosphère nécessaire pour inciter les gens à communiquer non seulement avec les jeunes comédiens, mais aussi entre eux.
Le thème « y a un monde qui se prépare et qui va devenir »... sera-t-il axé sur la violence ou sur une  redécouverte de l’amour, de la tendresse, de la fraternité, nous dit l’animateur de « L’amour humain », expérience de prise de conscience collective qui aura lieu, dimanche prochain au 750 est, rue Roy, à Montréal.

Solange Chalvin
Le Devoir, 22 mai 1970.