La grande ouverture

Lors de la venue de la postmodernité, au cours des années 1960, nous fûmes plongés au coeur d'une immense ouverture. Elle devait succéder à cinq siècles d'un Temps moderne où l'on assista, dès sa naissance, au théâtre en vase clos à l'italienne et aux ateliers d'artistes en beaux-arts isolés du monde. Cette nouvelle ère postmoderne allait favoriser l'imprévu, l'inattendu et le processus, au service d'un vécu fait d'expériences originales enrichissantes.

En ce qui me concerne, cette ouverture m'a mené vers un élargissement du champ de l'art et du métier d'artiste qui a abouti à l'oeuvre d'art totale. Mes réminiscences me ramènent en tout premier lieu à un accroissement de la conscience. C'est précisément cette chose aussi impalpable que l'ouverture d'esprit que j'ai alors tentée de sculpter. En cette ère spatiale, j'avais l'impression que le cosmos s'entrouvrait et que j'allais y plonger corps et âme. Ainsi, tout me semblait possible. L'ère de la postmodernité mit donc fin à la grande fermeture de la modernité.

Les nouvelles technologies nous permettaient de franchir les frontières les plus éloignées du "village global". Plus près de nous, ce pas de géant de la mondialisation nous ouvrait bien d'autres voies encore. C'était celles de la création de mondes nouveaux sous forme d'environnements, d'un art social, d'un engagement politique, d'un franchissement toujours plus haut des sommets de la démocratie, bref de l'entrée dans tous les sentiers de la vie quotidienne. Cette grande ouverture devait me permettre d'atteindre un art citoyen épanouissant. Effectivement, les gestes et les actions que nous posions en tant qu'artistes faisaient en sorte que nous laissions les empreintes d'univers cybernétiques en devenir.