L'entrée dans la postmodernité

C'est au beau milieu des années 1960 que je considère avoir vécu le passage de la modernité à la postmodernité. Il est primordial de dire ici que, mal nommée, cette dernière ne signifie pas l'après-modernité, mais tout simplement un autre état ou une autre étape d'évolution de la modernité. L'hybridation deviendra le mot-clé de la condition postmoderne. Ce mot sera accompagné des quatre préfixes suivants : « trans », « inter », « multi » et « dia » qui, en majeure partie, détermineront la nature polyvalente de cette condition. Elle ira à l'encontre des limites de la rupture imposée par la modernité. De fait, la postmodernité remplacera la pureté par l'impureté, la planéité par une perspective multidimensionnelle ⎯ passant de deux à quatre dimensions ⎯ et la linéarité par une orientation diversifiée. « Trans » sous-entend le transhistorique, le transpersonnel, le transnational, la transfiguration, le transgénique...

« Inter » fait appel aux interactions, aux interrelations, aux interconnexions infinies, à l'interethnique… « Multi » pour multidisciplinaire, multimédia, multidimensionnel… « Dia » tel diaphane, signifiant aussi au travers. Ce dernier suggère le courant de sens nouveau qui circule dans l'univers de l'art de ce siècle. Il favorise la voie du dedans vers le dehors, menant à l'ère de l'information, de la communication. C'est la naissance d'un esprit nouveau, celui du compagnonnage nous projetant vers d'audacieux projets collectifs et révolutionnaires. Ainsi, le monde conflictuel pourrait faire place à un univers convivial. L'obscurité de la modernité est donc remplacée par une transparence, la fermeture par une grande ouverture à l'échelle planétaire, voire cosmique. L'art abstrait, statique et inerte se métamorphose en art concret, dynamique et vivant. Il ne sera plus séparé de la vie quotidienne, mais insérée profondément en son sein.

Ces nouveaux paradigmes s'ajoutent à ceux déjà mentionnés, s'unissant en plus à ceux empruntés aux univers de la science et de la technologie. Ils contribuent ainsi à la création d'archétypes de l'art, voire du monde contemporain.