Un retour aux sources de l'art

Que l'art soit né dans un bouillon de graisse mêlé soit au charbon de bois, au kaolin, aux pigments d'ocre jaune ou rouge, et parfois au duvet d'oiseaux mélangé à la terre, il n'en demeure pas moins le fruit de la fusion avec la salive, le sang, voire le souffle et les états d'âme des créateurs premiers. Appliqué parfois sur les pierres dans les endroits les plus secrets des sanctuaires de la préhistoire, il est donc motivé par des nécessités viscérales, voire vitales.

Le retour aux origines de l'environnement et de l'art vivant proposé ici, plusieurs milliers d'années plus tard, entre donc dans les mêmes profondeurs et tente d'adapter l'art à la nouvelle nature urbaine. Au cours du processus de ces environnements, les personnes remplacent les animaux, dans une pratique artistique qui se veut authentiquement humaine.

Grâce à une intuition féconde, l'Homo habilis amorça le traçage des lignes de force du cheminement de l'humanité. Pour ce faire, il enduisit son corps de boue et de pigments, devenant ainsi une sculpture vivante. Puis il effectua la gravure du sol, orna graduellement ses vêtements de parures, décora ses armes et ses objets quotidiens, érigea ses premières habitations et mit en place l'art immobilier. Bref, il procéda à l'institution de son milieu de vie par l'entremise, entre autres, de ses rituels festifs. Les événements qu'il considérait comme étant importants ⎯ tels les semailles, les récoltes, les solstices, les équinoxes ou la capture d'un gros gibier ⎯ devenaient alors prétextes à célébrations. Il s'avère que sur ce plan, lors des fêtes archaïques, tout le peuple participait concrètement à l'événement.

Dès l'origine des actes créateurs des Hommes, l'art n'a donc pas tardé à faire partie intégrante de la vie. Effectivement, en ces temps immémoriaux, l'imaginaire densément vécu ritualisait le quotidien.

Dans les éblouissants sanctuaires de la préhistoire, les premiers peintres de l'humanité ont créé des environnements. À la recherche de lumière au cours des grands rituels de l'ombre, les Hommes ont transformé les parois des cavernes en pierres vivantes, représentant ainsi l'esprit des animaux qui les entouraient. Ces œuvres chamaniques et parfois hallucinatoires leur donnaient l'occasion d'entrer en contact avec ces êtres, de les amadouer, de capter leur puissance. Considérant que la voûte céleste — ce premier habitat de l'homme et de la femme — gérait leur vie quotidienne, ils l'ont observé et reproduit en profondeur afin de mieux maîtriser leur temps et leur espace. Ces œuvres leur permettaient de puiser leur force dans l'énergie du soleil, d'anticiper le changement des saisons, d'assurer leur survivance en suivant les migrations des animaux. Ils ont de la sorte, développé une grande vision du monde et ont « fixé les modèles exemplaires de toutes les actions humaines significatives » nous a dit Mircea Eliade. Ainsi l'art qui prolonge l'écoulement de ces sources concourt à régénérer les fondements de notre société.