Une révolution de la quotidienneté

Au cours des années 1960, j'ai désiré être, de cœur et de sang, un authentique citoyen. Pour ce faire, j'ai quitté mon atelier dans le but d'intégrer l'art à la vie quotidienne. Il s'agissait alors de tenter de créer de nouveaux liens, par l'entremise d'un média de masse inusité. Ce dernier devait être basé sur l'expressivité, la subjectivité, la solidarité et l'égalité. J'avais comme intention d'aboutir à l'émancipation, à la libération et à la création d'une société meilleure érigée par tous. L'intuition et l'imagination seront alors hautement sollicitées. Ainsi, c'est en inventant une pratique artistique orientée vers l'intervention et l'engagement dans le vécu quotidien, et ce, en partenariat avec la communauté que j'y suis parvenu. Je sens alors que j'ai un défi majeur à affronter, c'est celui de sortir de la banalité quotidienne et de sublimer l'existence. Cela se fera en pénétrant en profondeur dans notre pays intérieur et en tentant de défricher ce qui hante les tréteaux de notre inconscient, dévoilant ainsi l'âme de notre nation.

La création devenait l'arme principale pour arriver à ces fins. Il fallait animer les citadins, pour qu'ils sortent de leur torpeur, de leur situation d'éternels spectateurs soumis et passifs, dépersonnalisés et ballotés par les flots de l'océan des médias de masse. Un questionnement récurrent sur la nature et la finalité de l'œuvre d'art m'incita à faire vivre des expériences et des apprentissages qui allaient permettre à chacun des participants de se transformer en acteurs, en coauteurs, non seulement d'une production artistique, mais et surtout en créateur de leur propre vie et de leur destin. Cela allait nous mener vers une véritable révolution du spectateur.

Mieux encore, à une plus grande échelle, nous participions à la révolution de la quotidienneté dont parlait le sociologue Marcel Rioux. C'était, selon lui, le sens profond de la révolution culturelle contemporaine, qui émanait de la large place accordée à la restauration de l'imaginaire dans notre monde de marchandises.