Un mouvement de fond colossal

Durant la décennie 1965-1975, un nouvel esprit festif, participatif et créatif est né au sein de ces environnements plastiques. Il a été amorcé par des initiations d'aspects ludiques, invitant le public dans son ensemble à interagir en participant à de gigantesques œuvres d'art vivantes. Les diverses phases de ces événements, basées sur l'action créatrice, la performance, l'expérimentation et l'apprentissage, ont permis la concrétisation d'un droit, voire d'un devoir de participation dorénavant reconnu par les autorités artistiques, sociales et politiques. Cet état de fait a engendré un art citoyen qui a provoqué un grand virage dans l'histoire de la démocratie. Cela, par les voies contemporaines de la démocratie participative. Aujourd'hui, tout un chacun peut prendre conscience que le monde peut être fait par, pour et avec lui. Cela rejoint l'enthousiasme des grands bâtisseurs de l'ère médiévale, où les « gens de l'œuvre » et les « maîtres de l'œuvre » oeuvraient ensemble pour atteindre leur projet collectif.
En 2006, le magazine Time a reconnu « you », « vous » ⎯ c'est-à-dire l'ensemble des gens qui contribuent à forger notre univers grâce au Web ⎯ comme personnalité de l'année. Actuellement, la sociabilité des médias est révélatrice à ce sujet. Les citoyens sont dorénavant invités à confectionner un nombre grandissant de contenus dans des sites Internet et des médias d'information. Cette vague s'est donc amorcée, entre autres, lorsqu'un nouvel esprit est apparu dans les entrailles du vécu quotidien de ces environnements. Effectivement, les caractéristiques que l'on retrouve présentement dans les médias apparaissaient déjà il y a près d'un demi-siècle, c'est-à-dire une décennie avant l'invention de l'ordinateur personnel. Il s'agit d'ouverture, de personnalisation, d'interaction, de participation, de cocréation, voire de création, d'égalité, de solidarité, de partage, de désinstitutionnalisation, de déspécialisation, d'instantanéité, de gratuité, de feedback, de processus, d'imaginaire collectif, de conscience communautaire, de démocratisation, d'agrandissement du champ, de nouvelles technologies, de nouveaux médias, etc. L'esprit demeure le même, seuls les médias et leurs prolongements jusqu'aux horizons les plus lointains de la globosphère ont changé.
C'est donc la somme de la puissance créatrice et de l'engagement d'un peuple dans son entité, malgré l'individualisme régnant, qui désormais transforme le cours de l'histoire. Le destin de l'humanité, voire sa survie repose ainsi entre les mains de la collectivité tout entière, et cette voie est sans retour.