L'art et la science entrent en synchronicité

À la suite de mes productions environnementales et événementielles, lorsque je suis entré en longue période de méditation concernant l’évolution de l’art, en particulier celui du XXe siècle, j’ai fait le constat qu’elle était en synchronicité avec trois des plus grandes découvertes de la science. Ainsi, par d’ahurissantes coïncidences, l’art a vécu en osmose avec la théorie de la relativité, la mécanique quantique et la téléportation. L’association des affinités simultanées entre les événements de ces disciplines et celles de l’environnement interactif et participatif prit alors, pour moi, un sens particulier. Il s’agira ici de retracer ce qui me semble être les principaux liens qui les unissent.

La relativité
Dès le début du XXe siècle, Albert Einstein relatera la fin de l’espace et du temps absolus et immuables de l’époque de Newton, de même que leur passage à l’état relativiste. Notre perception du monde changera alors du tout au tout. Si l’art environnemental modélise le comportement, porteur des rêves, des ambitions et des désirs de l’être humain, il en est de même pour les théories de la relativité. À la fin du XIXe siècle, Wilhelm Ostwald déclara que la matière est le réservoir et même plus, le véhicule de l’énergie. Einstein croyait aussi à cette idée en affirmant que le continuum espace-temps est déformé par la matière qui est dynamique. Cette dernière n’était donc plus reconnue comme étant inerte, mais bien vivante. Elle concrétisait le fait que l’espace-temps dans lequel nous vivons devenait influençable et malléable comme de la pâte à modeler. Cette vision élargie rendait notre milieu de vie extensible. De plus, en joignant ces deux entités, il faisait en sorte que notre espace pénètre dans la quatrième dimension qu’est le temps. À ce sujet, il ajouta « D’un événement dans l’espace à trois dimensions, la physique devint une “existence” dans le “monde” à quatre dimensions ». Cette vision allait bien au-delà de la seule liaison entre l’espace et le temps. Elle nous ouvrit, à sa façon, le passage d’un univers mécanique à un univers systémique. Car, selon Einstein, elle unissait étroitement l’énergie, la matière, la lumière, la masse, le mouvement, l’espace et le temps.

La  physique quantique
Cette grande découverte de la mécanique ou de la physique quantique, qui sera développée entre 1900 et 1925, sonna le glas de notre vision classique de l’existence. La constante de Max Planck, auteur de la théorie des quanta (quantum : quantité déterminée), assigne la structure de l’être et de ses actions caractérisant l’organisation de tout ce qui est vivant. Tout est donc affaire, sous forme basique, de grains d’énergie et de lumière dans une suite d’oscillations discontinues et relativistes. Il s’avère alors que tout se transforme en poudroiement de particules et/ou d’ondes en mouvement, au sein d’un vaste champ quantique aléatoire, floue, multivalent et d’une mystérieuse indivisibilité. Effectivement, la non-localité des « grains » de même que du processus des événements composant l’agir des êtres humains mettra dorénavant en rapport tout l’existant. Ces faits s’appliquent tout aussi bien à l’ensemble des Hommes formant la société qu’à l’ensemble des éléments subatomiques. Il est entendu, selon la mécanique quantique, que si une personne regarde, voire pense à un être ou à un objet, il les transforme et change même leurs substances.  Et donc, en agissant concrètement sur eux, il les métamorphose d’autant plus. Ainsi, à l’aide de cette nouvelle perception de l’état de la matière, une lente et confuse reconstruction du monde allait devoir s’amorcer. Il s’agira de « cosmiser » à nouveau l’existence, à l’aide de gestes et d’actes émergeant de comportements originaux. Et dans ce monde composé d’une suite d’interliens éphémères, réels et virtuels, la participation deviendra l’arme principale. En se répandant sous forme d’énergies fluctuantes, les nouveaux assemblages produits par les créateurs évolueront à l’avenir sous forme d’actions, de relations, et d’interactions d’une nature nouvelle, d’une nature dématérialisée. Les potentialités de la physique quantique seront donc infinies. De nouveaux liens et de nouveaux processus immatériaux s’imposeront alors et l’un des principaux sera la co-création, émanant des processus d’interaction.

La téléportation 
La téléportation est de toute évidence l’élément le plus simple à définir et le plus difficile à accomplir. Elle est affaire d’homme et non de nature. Il s’agit en fait du transfert d’un être ou d’un objet par une reconstitution dans un ailleurs, c’est-à-dire à distance, de ses photons, de ses cellules. Les scientifiques ont récemment réussi à téléporter l’état quantique d’une particule. Il en résulte que la téléportation d’un objet ou d’un être humain dans sa totalité demeure une énigme.

La synchronicité
À travers le grand écran « Multi-reflex » de Futuribilia, les personnes semblaient se fragmenter, se désintégrer pour disparaître vers un monde autre. Quant aux sculptures cybernétiques, elles traversaient les murs, se dématérialisaient, prenant ainsi leur envol vers des lieux inconnus. Ces visions préfiguraient la plongée dans l’univers futur des femmes et des hommes de ce temps. Et si elles s’avéraient réalisables?

Tous les environnements que j’ai créés témoignaient également de la relativité et de la physique quantique. Dans un espace limité, je me dois de tenter de décrire ce qui m’apparaît comme étant l’essentiel de cette synchronicité, révélant une multitude de concordances dans les faits révélés ici. Dans ce type de production d’art environnemental, des particules de matière ont été projetées sur les participants à plusieurs reprises de même que des oscillations d’ondes lumineuses révélant ainsi la nature basique de la matière. Au coeur de ce contexte, l’« observateur » s’est alors transformé en participant, au sein d’une réalité totale et insécable. Cette dernière unit art, technologie, science, communication, démocratie, société et vie quotidienne. Ainsi s’illustrait la non–séparabilité de tout l’existant. L’ensemble étant régi, au même type que les fragments du monde subatomique, par des relations d’incertitude. Les principaux éléments de la communication devinrent les actions, les interactions et la rétroaction instantanées, voire simultanées. Les forces vitales se sont manifestées sous forme d’énergies personnifiées par l’être humain en tant que matière première de l’art. L’inerte s’est alors transformé en vivant. Des nouveaux paradigmes du fait créateur, sous forme d’assemblage de « grains » structurés, de « poussières d’étoiles », ayant apparence d’humains ou d’objets, se sont avérés au coeur de l’environnement. Après s’être limité, pendant des siècles aux deux dimensions du tableau, puis aux trois dimensions de la sculpture, les arts visuels ont eux aussi fait leur entrée dans le temps, cette quatrième dimension. On a ainsi assisté, participé au processus d’élargissement du champ de l’art. Au sein de cette nouvelle réalité, les femmes et les hommes pratiquant l’acte vital de participation expriment désormais librement leur subjectivité et s’allient à la fabrique du monde. C’est dans ce creuset de civilisation que les comportements doués de sens, dévoilant l’identité de notre peuple, se sont ainsi manifestés. Cela, à travers une dynamique de l’interaction évolutive qui transformait des citoyens en co-auteurs.

Maurice Demers
Juin 2012